Tour du Monde en 300 jours

                                                                       ..............AROUND THE WORLD..............
 

                      Comment ai-je pu imaginer que Bénarès était le terminus ?
Comptant sur le fait que tout le monde allait descendre, je me suis tranquillement endormie sur ma couchette supérieure. Seulement faire attention de ne pas soulever la tête pour ne pas que mes cheveux soient happés par les pales du ventilateur qui a bercé mon sommeil durant toute la nuit  en plus des soubressauts du train...
J'étais sensée arriver à 5 h 30 à Bénarès (ou Varanasi, maintenant, mais c'est Bénarès qui a peuplé mes rêves d'évasion).
Je comptais sur le "branle-bas" général pour être réveillée à temps.
Mais voilà. Il n'y a pas eu de remue-ménage, au contraire, tout le monde roupillait. C'est le redépart du train qui m'a réveillée, après un long arrêt ,comme je le réaliséais brusquement. Je bondis hors de ma couchette : "Varanasi ? Varanasi ?" - "Yes Yes" -  Zut alors ! pas du tout l'envie d'aller jusqu'à Calcutta.
Les Indiens me regardent d'un petit air narquois ("si tu avais été accompagnée d'un mari ou d'un fils, tu ne serais pas si paumée"! pensent-ils certainement.) L'un d'eux, gentiment, me suggère de descendre à la gare de Madho Singh ou s'arrêtent de nombreux trains omnibus.
Moi qui me réjouissais d'arriver de bonne heure à Bénarès pour avoir le temps de chercher mon hôtel avant la tombée du jour...je vais bien y arriver pour la nuit !
Je n'ose même pas prendre le temps de faire ma toilette : trop peur de rater cette nouvelle gare ! Je prépare mes affaires et j'attends le petit signe de l'aimable monsieur. Nous arrivons. Thankyou so much ! je descends.
Madho Singh fera donc partie des petits imprévus de mon tour du monde.
C'est une petite gare ordinaire où il y a tout de même du monde comme partout en Inde et où il est très difficile pour une femme seule de passer inaperçue. Une étrangère de surcroît ! On me dévisage effrontément. Je pense que la discrétion ne fait pas partie du savoir-vivre indien. C'est leur droit.  Mais pour moi, c'est dur ! Ils ne m'adressent jamais la parole : c'est de la curiosité silencieuse, un peu trop franche à mon goùt ! Pour une fois, je ressens ma solitude et j'aimerais bien être "deux". Ils  n'ont sans doute pas encore compris qu'une femme qui voyage seule n'est pas forcément une "aventurière" au mauvais sens du terme.
Au guichet, j'achète mon billet de retour pour Bénarès et je suis toute émue de retrouver les fameux petits tickets en carton que l'on nous donnait en France dans les années 50 !
Après 2 h 30 d'attente, un typique train populaire indien s'est arrêté  : banquettes en bois surchargées. Plein de monde debout. Ma place assise était tellement inconfortable que je l'ai cédée à une dame pour m'asseoir sur mon sac à dos bien plus moelleux. Mon geste "généreux" a suscité quelques sourires approbateurs sur les visages bruns qui m'entouraient et...m'observaient.
Je m'efforce de contempler le paysage sans intercepter tous ces regard fixés sur moi. Une femme seule en voyage s'est assez rare en Inde, mais une "mamie" seule, avec un sac à dos, ce n'est pas très féminin, je le reconnais. 
J'en aurais presque honte tant les Indiennes sont gracieuses dans leurs saris colorés...
Nous arrivons à Bénarès autour de midi. Je n'ai pas le temps de sortir de la grande gare que les taxis m'assaillent. Je monte dans l'un d'entre eux en montrant l'adresse de l'hôtel qui m'interresse. Je suis assise à l'arrière, un autre homme s'est installé à côté du chauffeur : ça m'a tout l'air d'une combine, je suis sur mes gardes.
A destination, le 2e homme propose d'aller voir lui-même s'il y a de la place. Ah ! je m'y attendais ! Je réclame mes bagages et décide de voir par moi-même. Bien sûr, il y a un lit pour moi et mon petit budget. L' homme du taxi ne cache pas sa contrariété et repart avec une mine de petit garçon boudeur qui me fait sourire. Le but du jeu, pour eux, est de faire croire que l'hôtel choisi est complet et de vous conduire dans l'établissement (souvent bien plus cher) où ils ont une commission. Pourquoi pas ? Bien contente de ne pas m'être laissée avoir et merci à "VoyageForum" pour la mise en garde !
Comme je l'ai déjà dit, les chauffeurs de taxi ne sont pas mes amis et ils sont loin d'être à plaindre dans les pays pauvres : ils profitent largement des touristes perdus et fatigués.
Mon petit hôtel est assez propre et agréable avec sa terrasse d'où j'ai une belle vue sur le Gange. Le Gange...
La sonorité de ce nom m'a toujours fait rêver...le Gange, c'est doux, c'est léger, ça rime avec les anges ... 
J'y ai réservé un tour en barque dés 5 h du matin pour assister au lever du soleil. Je ne regrette pas.
La première heure est belle, douce et rose. J'en oublie les immondices sur la rive où les vaches cherchent en vain quelques substances commestibles. Les prières, petites flammes de bougies scintillantes, flottent sur les vaguelettes.
Mais...le soleil s'élève à l'horizon. La chaleur, la foule et la rumeur augmentent. La magie disparaît pour laisser place à une sorte de folie religieuse, presque fanatique pour un non initié.
Du monde s'amoncelle sur les ghats en suivant les chars qui transportent les idoles que l'on va jeter à l'eau après de bruyantes incantations.
A chaque immersion, les hommes - rien que des hommes - hurlent leur victoire sur le Mal.
J'assiste, de loin, à une crémation. Interdit de photographier : je comprends, mais je suis surprise : ils ne sont pas plus tristes que les occidentaux devant un BBQ ! J'aimerais bien être capable d'aborder la mort avec autant de légèreté. On peut bien parler de "choc culturel" quand on aborde l'Inde.
Hommes à demi-nus, femmes en saris multicolores et vaporeux, enfants rieurs, tout ce monde agglutiné étend son linge, prie, se lave, plonge et nage parmi les débris des idoles, les cendres des crémations, les restes de fleurs et les bougies flottantes.
De jeunes garçons, sur leurs petits bateaux, y cherchent leur bonheur. Tout peut être recyclé, même les cadavres qui n'ont pas eu le temps de brûler entièrement. Qui sait ? 
Pauvre grand fleuve ! Si les gouttelettes d'eau savaient ce qui les attend en bas, elles ne quitteraient jamais leurs sommets eneigés ! J'éprouve la même amertume que sur les rives de l'Amazone à Iquitos, Manaus ou Belem.
Brève aura été la magie du Gange : il est maintenant embrasé par la frénésie humaine.

                                                               A SUIVRE...

 




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